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Patrimoine et Curiosités
1 mars 2015

Chevaliers du zodiaque, Trente ans

Créée en 1986, « Saint Seiya », de son titre original, est une saga toujours culte en France mais aussi une franchise qui rapporte gros.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/02/25/trente-ans-apres-les-chevaliers-du-zodiaque-toujours-a-l-attaque_4582427_4408996.html#FmmycVxExdDBMrYO.99

En janvier 1986, une poignée d'adolescents découvrent dans Shonen Jump, le magazine de prépublication de mangas le plus populaire au Japon, une toute nouvelle série qui côtoie au fil des pages Dragon Ball ou encore Ken le Survivant. Dessinée par Masami Kurumada, Saint Seiya raconte les aventures de cinq jeunes chevaliers aux armures de bronze, Seiya (Pégase), Shiryu (Dragon), Hyoga (Cygne), Shun (Andromède) et Ikki (Phénix) ayant prêté allégeance à la princesse Saori-Athéna et chargés de sa protection.

Une saga vite devenue culte et qui, près de trente ans après sa création, continue de se développer en de nouvelles intrigues, sur papier, à la télévision, ou sur les écrans de cinéma, en témoigne la sortie, mercredi 25 février, du film Les Chevaliers du zodiaque : la légende du sanctuaire.

Les premières notes du générique de la version française, interprété par Bernard Minet, suffisent d'ailleurs à galvaniser, ou à plonger dans une profonde nostalgie, toute une génération d'enfants nés dans les années 1970 et 1980.

« C'est une série qui a été très bien écrite avec une vraie essence shonen nekketsu », explique Cédric Littardi, fondateur des labels Kazé et @Anime. Derrière ce terme – « shonen » signifie « adolescent » en japonais –, les éditeurs de mangas entendent séduire essentiellement les garçons avec une histoire faisant l'apologie du courage, de la persévérance et de l'héroïsme. « Le concept de cinq héros combattant le mal n'a rien de nouveau –

il trouve son origine dans l'animé de 1978, La Bataille des planètes – mais Saint Seiya impose un style : une histoire reposant sur la mythologie grecque et les constellations, des chevaliers en armure, une intrigue au long cours très cohérente », décrit Cédric Littardi.

A la suite du succès de la saga, les producteurs japonais vont multiplier les récits avec des héros casqués et des univers mythologiques comme Yoroiden Samurai Troopers ou Shurato. Ces dernières ne connaîtront pas le succès des Chevaliers du zodiaque. « L'idée d'adapter, de s'inspirer d'une culture étrangère pour forger une histoire au Japon, comme Evangélion, qui emprunte au christianisme, vient, là aussi, de Saint Seiya », affirme Cédric Littardi.

Un dessin loin d'être parfait

Le mangaka Kurumada, le père des Chevaliers, a forgé sa réputation avec une précédente saga bien différente, Ring ni Kakero. Dans Saint Seiya, les jeunes lecteurs s'aperçoivent vite des quelques défauts de coup de crayon : des visages croqués de profil quand l'auteur n'arrive pas à les esquisser légèrement de dos, des complications lorsqu'il s'agit de représenter les chevaliers casqués, ou encore une inaptitude régulière à ne pas savoir dessiner deux yeux sur un visage fort carré. Des imperfections largement relevées et moquées par les fans, qui font également la signature Kurumada.

« Saint Seiya est très lu au Japon à l'époque, mais son succès repose sur son adaptation en animé qui lui a conféré une tout autre dimension, notamment internationale », résume Cédric Littardi. Ainsi, comme il en est de coutume, le studio Toei s'en voit confier quasi immédiatement la réalisation. D'octobre 1986 à 1989, les Japonais profitent également des « Saints », le terme pour les chevaliers, sur TV Asahi.

Les feuilletons hebdomadaires d'une dizaine de pages de Shonen Jump prennent vie à l'écran dans des épisodes de vingt-six minutes sous la houlette de Shingo Araki, une référence de l'art ludique japonais des années 1980, aujourd'hui décédé. Le character designer pallie les lacunes du trait de Kurumada et élabore un véritable univers visuel pour la série Saint Seiya.

La production télévisuelle dépasse rapidement le rythme de la publication papier de la série. Dans l'attente des chapitres à venir, l'équipe chargée d'animer les chevaliers sur seruga (le celluloïd au Japon) doit parfois improviser. Ainsi, entre la toute première aventure du « Sanctuaire » et celle de « Poséidon », les chevaliers vivront une épopée supplémentaire uniquement sur petit écran : le chapitre du royaume d'Asgard. Une situation classique dans le système de production d'animés, qui explique parfois la lenteur des combats et cette notion de suspense amenée à la limite du supportable – ou du ridicule, c'est selon. La série parodique Les Chevaliers du zodiaque - abrégés propose ainsi des parodies de résumés des épisodes...

Les épisodes additionnels inventés par les studios « sont un petit peu moins intéressants, car il

ne peuvent modifier le récit, le scénario, explique Cédric Littardi. En contrepartie, ils peuvent travailler à la réalisation de l'épisode. Il y a un effet de piétinement mais aussi, parfois, de belles réussites techniques ». Le chapitre d'« Asgard » compterait des épisodes parmi les plus spectaculaires. « C'est une série merveilleusement réalisée et animée… même mieux que Dragon Ball, la série la plus connue du Japon », concède Cédric Littardi.

Version épurée pour les bambins français

Un mois après l'arrivée de Dragon Ball en France, la série Saint Seiya – rebaptisée Les Chevaliers du zodiaque – fait son entrée en avril 1988 dans l'émission jeunesse de TF1, le « Club Dorothée ». Une diffusion en exclusivité orchestrée comme un véritable événement par AB, les producteurs de l'émission.

Comme une grande majorité des animés shonen du « Club Dorothée », les Chevaliers du zodiaque s'attirent les foudres de l'opinion publique et du CSA pour sa violence. Et ce en dépit de la censure pratiquée sur les épisodes par le distributeur français et d'une VF édulcorée à destination des enfants.

Ainsi, la scène durant laquelle Seiya, le héros, enfant, reçoit une sévère correction, les séquences où des piques de bois transpercent la chair pendant un combat, ou encore celle d'une oreille coupée du tranchant de la main disparaissent des épisodes avant que ceux-ci soient proposés aux petits Français. Alors qu'il est considéré que c'est l'une des séries les plus censurées, certains fans se sont amusés à recenser toutes les coupes.

Véritable aberration pour les aficionados ou souvenirs cultes pour les plus nostalgiques, la traduction française de la série d'origine est aussi aujourd'hui sujette à vive discussion. En raison 

de l'androgynie trompeuse de certains chevaliers, mais aussi parce que les comédiens découvraient les épisodes en même temps qu'ils enregistraient leurs textes, il n'est pas rare que des personnages changent de voix d'un épisode à l'autre, allant même parfois jusqu'à alterner un interprète masculin et féminin. Ils font également les frais d'approximations dans l'interprétation. De même que dans Nicky Larson, où les pires gredins, en VF, employaient l'expression « faire bobo », dans les Chevaliers en français, l'on traduit toutes les menaces et les attaques par de plus sobres « aaaaaattention »

La diffusion de la série s'arrête en 1997, avec la déprogrammation du « Club Dorothée », sans pour autant mettre fin à sa popularité. En 2007, elle sera remasterisée pour restituer au public devenu grand une version originale sous-titrée et une version française totalement non censurée. Celle-ci sera diffusée sur AB1 puis sur d'autres chaînes du câble et de la TNT. En comptant le remake qui sort en salles en 3D mercredi 25 février, Les Chevaliers du zodiaque ont par ailleurs été adaptés dans six longs métrages.

C'est également en 1997 que l'éditeur français Kana commercialise le manga d'origine. « Nous étions aux débuts du marché du manga en France mais les ventes du premier tome ont explosé. A l'époque, c'est l'une de nos très très grosses séries et c'est un carton absolu », raconte Nicolas Ducos, directeur marketing de la maison d'édition. Elle sera déclinée en vingt-huit tomes jusqu'à la fin de 2000. Deux millions d'exemplaires vendus en France qui rapporteront près de 10 millions d'euros. Une deuxième édition, de luxe, est toujours en cours de diffusion : elle s'écoule à cent mille exemplaires. « Il faudra attendre 2002 chez Kana pour changer la donne avec la diffusion de Naruto et qui représente dix-sept millions d'exemplaires vendus », précise Nicolas Ducos.

Des centaines de millions de figurines vendues

La franchise Saint Seiya pèse encore beaucoup en termes économiques. Les licences sont partagées au Japon comme en France par différents concurrents. Ceux qui décrochent la timbale sont sans nul doute les fabricants et les exploitants des jouets dérivés de la série. La seule vente de ceux-ci permet de financer les différents projets de films et de séries sans trouer le bas de laine. Les figurines haut de gamme, ou Myth Cloth, sont ainsi collectionnées jalousement par les fans. Avec un prix variant de 40 à 100 euros selon le modèle neuf en Europe, elles sont clairement destinées aux adultes. Bandai les fabrique et les commercialise depuis les années 1980.

Une nouvelle collection relance le marché en 2003 mais aussi l'import illégal et la contrefaçon. Bandai rétrocède la distribution en France en 2012 à l'entreprise italienne Cosmic Group, qui se chargeait déjà du reste de l'Europe. « Le nombre de figurines que nous vendons est secret », explique d'entrée de jeu Thierry Heimedan, directeur de Cosmic Group France. « Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a jamais assez de Myth Cloth en circulation et que l'on pourrait boucler les carnets de commande six mois à l'avance. » Plus de sept cents millions de figurines auraient déjà été écoulées dans le monde.

« Toutes les nouvelles séries dérivées de Saint Seiya n'ont aucun problème de financement. Leur succès n'est pas une question de moyens. C'est juste une question de légitimité », assure Cédric Littardi, faisant référence aux déceptions causées chez les fans de la première heure par la sortie du dernier film Les Chevaliers du zodiaque, la légende du sanctuaire. Ces derniers préfèrent miser sur une toute nouvelle série des Chevaliers prévue pour le printemps 2015 au Japon : l'intrigue de Soul of Gold se situera après le chapitre « Hadès » et mettra à l'honneur les chevaliers d'or.

De nouvelles histoires, épurées de la brutalité initiale, qui auront aussi pour objectif de renouveler, sinon le genre, du moins le public concerné, en visant clairement les enfants de la première génération de fans. C'est d'ailleurs la vocation première de Saint Seiya Omega, un reboot animé qui a vu le jour en 2012, mais aussi l'un des espoirs portés par le film qui sort en salles le 25 février. Cédric Littardi explique : « On ne peut plus montrer aux enfants ce que l'on nous a montré en termes de dialogues, de violence. Mais ça a un effet un peu bâtard, d'équilibrisme entre les deux versions. Quitte à aller chercher les jeunes avec une série, autant que ce soit la toute première. » La cosmo-énergie de la saga est donc loin de s'éteindre.

Pauline Croquet 

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